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Abstract
Le présent travail interroge l'omniprésence de la violence dans les groupes humains. Les réflexions qu'il livre suivent deux pistes: la recherche de la détermination rationnelle de la violence d'une part et l'identification des fonctions sociales éventuelles de la violence de l'autre. Mais la violence n'est pas une réalité dont la notion possède des contours clairement définis. Les actes qu'elle désigne sont parmi les plus divers qui soient. Cette première difficulté nous impose comme méthode de travail le regroupement des actes de la violence dans des formes typiques, et nous enjoint de poser les questions de la rationalité et du rôle social de la violence à l'intérieur d'une forme donnée.
Nous ramenons la violence à quatre formes typiques dégagées sur la base de deux principes tirés de l'observation sociologique de la violence. D'une part, la violence s'exprime, individuellement ou collectivement, de l'autre, elle est limitée. Mais, pendant que l'expression de la violence relève de la volonté des individus et des groupes ou encore de la passion, la limitation de la violence est une exigence qui s'impose à eux comme une contrainte extérieure. L'expression de la violence comme principe nous permet de dégager deux formes typiques de la violence: «la violence collective» et «la violence solitaire». Par ailleurs, selon que la limitation de la violence est pratiquée par un appareil de contrainte légitime ou arbitraire, nous distinguons deux formes limitatives de la violence: «la violence conditionnelle» et «la violence arbitraire».
Nous empruntons à la théorie wébérienne de l'action sociale ses quatre rationalités idéaltypiques: la rationalité en finalité, par rapport à une valeur, à la tradition, à l'affect pur. Si notre travail reconnaît à chacune des formes de la violence le type de rationalité qui la détermine, il parvient à la conclusion suivante: la détermination rationnelle de la violence ne peut être liée à des types purs. Là où, pour donner un exemple, une forme typique de la violence est déterminée par la rationalité en finalité, l'affect pur ne peut être exclu totalement.
En ce qui a trait aux fonctions sociales de la violence, toutes nos formes et sous-types de la violence ne remplissent pas une fonction sociale explicite. II en est qui relèvent de ce que nous appelons: «la violence inutile». D'où la question: ne pourrait-on pas mettre fin à la violence inutile, pour le plus grand bien de l'humanité? Les considérations pratiques et morales de la thèse discutent de cette question. Elles concluent malheureusement à l'inéluctabilité de la violence, même inutile. Mais elles ne soulignent pas moins le rôle joué par «l'intervention sociale» dans le but de limiter, d'adoucir et d'accompagner l'expression de la violence. La thèse conclut dans une perspective structuraliste que la gestion de la violence, entre expression et limitation, est la tâche principale des sociétés passées, présentes et futures, tâche dont elles ne se départiront jamais, en ce que la vie en société en dépend.